
Insécurité, famine, manque de soins : la vie précaire des retournés de guerre au Nord-Kivu (rapport AIDPROFEN)

Une récente étude menée par l’ONG AIDPROFEN, avec l’appui du PNUD et du HCR, met en lumière la situation dramatique des populations retournées dans leurs villages d’origine, dans les territoires de Masisi, Rutshuru, Nyiragongo et Beni, au Nord-Kivu. Après des années de déplacements forcés à cause des conflits armés, ces familles tentent tant bien que mal de se réinsérer dans un environnement marqué par l’insécurité, l’absence de services sociaux de base et l’extrême pauvreté.
Réalisée en mai 2025 dans 24 villages et quartiers de ces quatre territoires, l’enquête a concerné 875 ménages de retournés et 420 personnes déplacées internes. Les résultats sont sans appel : les conditions de vie des retournés restent extrêmement précaires.
L’accès aux soins de santé, à l’éducation, à la nourriture, à l’eau potable et aux moyens de subsistance demeure un défi majeur. Selon les données recueillies, 70 % des villages évalués ne disposent ni d’un centre de santé fonctionnel ni d’une école primaire opérationnelle. Dans les localités où les écoles existent encore, les classes accueillent souvent plus de 50 élèves, et 88 % des enfants rencontrent des difficultés pour accéder aux fournitures scolaires.
L’accès à la terre reste également problématique : 33 % des retournés n’arrivent pas à récupérer leurs terres d’origine, entravant toute tentative d’agriculture de subsistance.
Malgré le retour progressif de l’autorité de l’État dans certaines localités, la peur reste ancrée dans les communautés. Trente-deux pour cent des villages signalent encore la présence de groupes armés, et 63 % des incidents rapportés concernent des menaces ou des agressions sur le chemin des points d’eau, des marchés ou des champs.
Plus alarmant encore, 19 % des retournés déclarent être victimes de menaces ou d’intimidations depuis leur retour. Les lieux d’hébergement sont également jugés peu sûrs, en particulier pour les femmes et les filles, dont 30 % disent manquer d’intimité ou de sécurité.
L’étude souligne la situation critique des enfants de moins de cinq ans, dont 30 % souffrent de malnutrition aiguë, ainsi que la vulnérabilité des femmes face aux violences sexuelles, souvent sans accès à une assistance adéquate : 40 % des survivantes de violences sexuelles n’ont pu bénéficier d’un accompagnement approprié, en raison de l’absence de structures locales adaptées.
Pourtant, dans ce tableau sombre, l’étude relève aussi une certaine capacité de résilience. Dans certaines localités libérées, les populations s’adaptent peu à peu aux nouvelles réalités, et la collaboration entre les autorités locales et les habitants s’installe progressivement, selon Pascal Mulindwa, chargé de projet chez AIDPROFEN.
L’objectif de l’étude n’était pas uniquement de dresser un état des lieux alarmant, mais aussi d’orienter les futures actions humanitaires. Le PNUD et le HCR insistent sur la nécessité de cibler les interventions sur les besoins réels identifiés sur le terrain, en matière de sécurité, d’éducation, de santé et d’accès aux moyens de subsistance.
Comme le résume Isaac Kayaya, du PNUD à Goma :
« Cette étude nous a permis de mieux comprendre les attentes des communautés retournées. Il est maintenant temps de transformer ces données en actions concrètes. »
Les défis auxquels font face les retournés de guerre dans le Nord-Kivu sont immenses, mais pas insurmontables. Avec une coordination renforcée entre les autorités, les ONG et les partenaires internationaux, il est encore possible d’apporter des réponses durables à ces populations qui aspirent à reconstruire leur vie dans la dignité et la sécurité.
Clément Softly
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