
Ituri : le nouveau rapport de l’ONU note un déploiement non autorisé des UPDF, entre espoir de paix et spectre du passé (Tribune de Joël Adirodu Ndey)

En Ituri, province meurtrie par des décennies de violences armées, l’arrivée récente des Forces de défense du peuple ougandais (UPDF) sans accord officiel avec le gouvernement congolais suscite autant d’espoir que de crainte. Si certains y voient une bouffée d’oxygène sécuritaire, d’autres dénoncent une violation flagrante de la souveraineté nationale et un risque de retour aux dérives du passé.
Une analyse présentée lors de l’émission « Débat » du 06 juillet 2025 sur Radio Télé Canal Universel 91.5 FM, revient en profondeur sur ce déploiement controversé, opéré sans consultation ni accord officiel, comme le révèle le dernier rapport du Groupe d’experts de l’ONU, aggravant ainsi les tensions et les risques de violences intercommunautaires en Ituri.
Une population en quête de paix, mais lucide
Pris en étau entre les exactions de groupes armés tels que les ADF, CODECO ou Zaïre, les habitants de l’Ituri aspirent avant tout à la sécurité, la stabilité et le retour à une vie normale.
Dans plusieurs zones, l’arrivée des UPDF a d’abord été perçue comme un soulagement, un renfort potentiel face à des FARDC parfois débordées. Pour certains, la seule présence d’une force étrangère aguerrie suffisait à nourrir l’espoir d’un répit face aux violences.
Des témoignages locaux évoquent ainsi un accueil favorable dans certaines localités, où les populations voient dans toute force étrangère un moindre mal, comparé aux groupes armés qui sévissent quotidiennement.
Mais une méfiance profonde, nourrie par l’Histoire
Cet accueil reste cependant tempéré par une mémoire collective douloureuse. L’Ituri garde un souvenir amer des interventions ougandaises passées : exactions, exploitation illégale des ressources, soutien à des milices locales, instrumentalisation des conflits ethniques.
À cela s’ajoute un fait juridique préoccupant : selon un rapport du Groupe d’experts de l’ONU, ce déploiement s’est fait sans consultation ni accord officiel avec Kinshasa. Un geste perçu comme un affront à la souveraineté congolaise, voire comme une intrusion illégitime.
Des risques multiples pour la stabilité
Les craintes exprimées par la population et les acteurs locaux sont nombreuses :
Aggravation des tensions intercommunautaires, si la présence ougandaise est perçue comme biaisée en faveur d’une communauté ;
Nouvelle exploitation des ressources naturelles, dans une région déjà appauvrie par le pillage ;
Méfiance accrue envers Kinshasa, accusé d’inaction ou de complicité tacite.
Les leaders communautaires et la société civile réclament transparence, clarté et redevabilité sur les termes du déploiement, sa durée et son cadre juridique.
Les organisations internationales entre prudence et fermeté
Le Groupe d’experts de l’ONU
Dans ses dernières observations, le Groupe d’experts souligne le caractère non officiel et non coordonné du déploiement des UPDF, ce qui constitue une violation du droit international et une source potentielle d’instabilité.
Il alerte également sur les risques de violations des droits humains et les liens parfois ambigus entre armées étrangères et groupes armés locaux.
La MONUSCO appelle à la légalité
Engagée pour la protection des civils, la MONUSCO insiste sur la nécessité de respecter le droit international humanitaire et de garantir la souveraineté de l’État congolais.
Elle redoute une dilution de l’autorité de Kinshasa et un retour aux conflits régionaux par procuration, comme cela a déjà été observé par le passé.
Les humanitaires inquiets des impacts sur les civils
Des organisations comme OCHA, MSF ou le CICR s’inquiètent de l’effet de ce déploiement sur :
L’accès humanitaire,
Les mouvements de population,
Les risques de nouveaux déplacements internes.
Les ONG de défense des droits humains montent au créneau
Des structures telles que Human Rights Watch ou Amnesty International rappellent que toute force armée nationale ou étrangère doit rendre compte de ses actes.
Elles surveillent les risques d’abus, d’exactions et d’exploitation des ressources naturelles, qui pourraient aggraver la situation déjà critique dans l’Est de la RDC.
En conclusion : sécurité oui, sans trahison de la souveraineté
Le peuple de l’Ituri veut la paix, mais pas au prix de sa dignité ni au mépris de la souveraineté nationale. L’histoire nous enseigne que les solutions militaires étrangères non concertées apportent rarement une stabilité durable.
Ce déploiement controversé appelle à une réflexion lucide, une coordination régionale transparente et un respect strict du droit international.
Il est urgent que le gouvernement congolais clarifie sa position, que les partenaires internationaux exigent des comptes, et que la voix des Ituriens soit entendue.
Joël Adirodu Ndey, acteur politique et voix engagée de l’Ituri avec la Rédaction
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