
Ituri : les minerais de sang, silence des autorités, une complicité déguisée (tribune de Joël A. Ndey)

La guerre économique qui ravage l’Ituri n’est pas un fait nouveau. Elle s’invite chaque jour dans notre actualité, sous la forme d’atrocités et d’exploitations illicites qui saignent à blanc notre province, tout comme les régions voisines du Nord-Kivu et du Sud-Kivu.
Il est temps d’éclairer l’opinion publique sur une expression tristement célèbre : les « minerais de sang ». Ce terme désigne quatre minerais stratégiques étain, tungstène, tantale et or dont l’exploitation est souvent contrôlée par des groupes armés. En République Démocratique du Congo, notamment en Ituri et dans les Kivus, ces ressources financent des conflits meurtriers, avec la complicité de certaines multinationales et de leurs partenaires locaux et internationaux.
La même tragédie se joue au Sahel et au Moyen-Orient, où les populations, tout comme chez nous, paient un lourd tribut à cette guerre économique mondiale déguisée. Les minerais de sang sont devenus la colonne vertébrale de ce commerce meurtrier qui s’enracine au cœur de nos terres.
Face à cela, il serait injuste de ne pas reconnaître le leadership du Gouverneur militaire de l’Ituri. Son autorité, sa discrétion et son engagement contrastent fortement avec les promesses creuses de ses prédécesseurs. Il incarne une direction plus rigoureuse, même si les défis restent immenses.
Mais plusieurs questions demeurent :
1. L’État a-t-il réellement le contrôle sur les activités minières ? Qu’en est-il de l’inventaire des machines lourdes (excavatrices, « poclains », etc.) qui exploitent nos minerais jour et nuit ? Le comité de sécurité s’y attèle-t-il avec sérieux ?
2. Nos communicateurs civils et militaires jouent-ils pleinement leur rôle ? Mimy Biriema, Luc Malembe, Christian Shauri et le Lieutenant Jules Ngongo dénoncent-ils vraiment les dérives ou se contentent-ils de formules vagues et de silences embarrassés ? Le flou entretenu autour de la CRP, des taxes pétrolières et des exploitations minières clandestines laisse planer un doute sur leur sincérité.
3. Et les élus ituriens ? Font-ils entendre leurs voix dans les instances nationales ? Certains sont même cités parmi les bénéficiaires directs ou indirects de cette exploitation illégale. Que dire de ceux qui possèdent des carrés miniers ou gèrent les intérêts d’acteurs extérieurs ?
Ce silence complice est un affront à la mémoire de nos morts et à la souffrance quotidienne de notre population. Nous ne pouvons pas rester muselés sous prétexte de représailles. Ce serait trahir notre mission citoyenne.
Conclusion : La lutte contre l’exploitation illégale de nos ressources naturelles doit être globale. Elle requiert de la volonté politique, un contrôle strict, l’implication des communautés locales, ainsi que des partenariats sincères, tant nationaux qu’internationaux.
Ass. Joël A. Ndey Analyste Politique Indépendant, Cadre du BUREC et des APB
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