
Haut-Uele : tensions institutionnelles autour de la gestion de la dotation minière de Kibali Gold Mines

La province du Haut-Uele est actuellement secouée par une crise institutionnelle sans précédent liée à la gestion de la dotation de 0,3 % du chiffre d’affaires de Kibali Gold Mines, fonds destiné au développement communautaire dans les zones impactées par l’exploitation minière. Par une lettre datée du 28 mars 2025, le Gouverneur Jean Bakomito Gambu a ordonné la suspension de toutes les dépenses et attributions de marchés relatives à cette dotation, invoquant des plaintes pour mauvaise gestion et l’ouverture d’un dossier judiciaire.
Une décision qui, au-delà de son caractère précipité et juridiquement discutable, semble s’inscrire dans une volonté manifeste de mainmise politique sur ce fonds autonome, pourtant régi par des textes clairs et encadré par des structures spécialisées. La réaction du ministre national des Mines, Kizito Pakabomba Kapinga, ne s’est pas fait attendre. Dans une correspondance adressée au Gouverneur le 12 Mai 2025 dont notre rédaction a pris connaissance, il lui a rappelé que la supervision des organismes spécialisés de mise en œuvre de la dotation minière relève de la compétence exclusive des ministres sectoriels, mettant en garde contre toute démarche unilatérale pouvant porter atteinte à la continuité des projets, voire compromettre la crédibilité de l’État dans la gestion de ses partenaires.
Mais au fond, cette lettre du Gouverneur Jean Bakomito, que certains interprètent comme un coup de force institutionnel, ne surprend personne. Dès le début de son mandat, ses intentions de mettre la main sur cette manne financière étaient à peine voilées. Le paradoxe est troublant : alors que la Dotation Kibali affiche un bilan tangible sur le terrain , réhabilitation d’infrastructures, construction d’écoles, de centres de santé, d’hôpitaux et d’ouvrages routiers , l’administration provinciale, elle, peine à répondre aux besoins élémentaires des populations.
Il suffit de comparer : sans la Dotation Kibali, le pont du même nom, effondré peu après celui de Bomokandi, n’aurait jamais été remis en service. Dans le secteur de l’éducation, l’école d’Abinva, l’Institut Lanza ou l’école primaire de Mabha sont des joyaux modernes sortis de terre grâce à cette dotation. Le centre de santé d’Abinva, l’hôpital régional de Watsa ou encore la morgue de Durba , construite, équipée mais dont l’inauguration est bloquée sur ordre du ministre provincial de santé agissant sur ordre du Gouverneur par pure sabotage , témoignent de l’impact direct de ces fonds sur le quotidien des populations.
Le plus inquiétant, c’est cette volonté de saboter l’existant pour mieux reconstruire autour de ses hommes. En suspendant les activités de la Dotation Kibali, le Gouverneur Bakomito ne vise-t-il pas à créer artificiellement un vide qu’il pourrait ensuite combler à sa guise, au mépris des mécanismes légaux et de l’intérêt général ? Une posture qui trahit plus un appétit de contrôle qu’un souci réel de bonne gouvernance.
Plutôt que de chercher à fragiliser une institution qui fonctionne et qui, ironie du sort, compense largement l’inaction de son propre gouvernement, le Gouverneur Jean Bakomito gagnerait à se concentrer sur ses prérogatives réelles : redynamiser une administration anémiée, assainir les finances publiques, relancer les investissements provinciaux et restaurer la confiance avec les partenaires.
Rédaction
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