
La liberté de la presse étouffée en RDC : le CSAC interdit la diffusion des propos et activités de Joseph Kabila et du PPRD

La République démocratique du Congo, qui se réclame d’un État de droit et d’une démocratie pluraliste, traverse une nouvelle zone de turbulence. Ce mardi 3 juin 2025, le président du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication (CSAC), Christian Bosembe, a annoncé sur les ondes de Top Congo FM une mesure radicale : l’interdiction formelle faite à tous les journalistes et médias de diffuser, commenter ou accorder la parole aux responsables du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD), ainsi qu’à l’ancien président de la République, Joseph Kabila Kabange.
« Il est interdit aux journalistes, aux médias… de diffuser, de commenter ou de donner la parole aux responsables du PPRD. Les propos et activités de Joseph Kabila sont également interdits », a déclaré Christian Bosembe, sans ambages.

La déclaration du président du CSAC n’a pas tardé à susciter de vives réactions au sein de la société civile, des médias et des internautes. Nombreux y voient une tentative de museler l’opposition politique et d’étouffer la liberté de la presse, garantie pourtant par la Constitution congolaise.
Cette décision s’ajoute à une série d’interventions controversées de la part de cette institution censée réguler les médias dans l’intérêt du public et garantir l’équilibre dans le traitement de l’information.
Ce n’est pas la première fois que le CSAC impose des restrictions drastiques à la presse. Le 29 mars 2024, Christian Bosembe avait annoncé, via son compte officiel X (ex-Twitter), l’interdiction de toute couverture médiatique du mouvement rebelle M23/AFC, actif dans l’Est du pays, sous prétexte de lutter contre la propagande rebelle.
Cependant, cette mesure a été bafouée par la RTNC (Radio Télévision Nationale Congolaise) elle-même, le 23 avril 2025, lorsqu’elle a lu intégralement un communiqué du M23, rapportant des discussions entamées à Doha (Qatar) entre les rebelles et le gouvernement congolais. Cette contradiction flagrante a mis à mal la crédibilité de la décision du CSAC, et a soulevé de nombreuses interrogations sur sa neutralité réelle.
Pire encore, en janvier 2025, lors de la prise de la ville de Goma par le M23-AFC, Christian Bosembe aurait interdit aux médias de mentionner clairement que la rébellion avait conquis la ville. Malgré cette tentative de contrôle narratif, les faits sur le terrain ont démontré l’inverse : Goma est toujours sous occupation rebelle au moment de la publication de cet article.
L’ancien président Joseph Kabila, qui séjourne actuellement à Goma, au cœur de cette zone sous contrôle rebelle, est visé par plusieurs accusations graves : trahison, crimes de guerre, crimes contre l’humanité et complicité présumée avec le M23-AFC. Ces accusations, bien que relayées dans certaines sphères politiques et médiatiques, ne sont appuyées par aucune décision judiciaire à ce jour. Le Sénat a autorisé des poursuites, mais aucune condamnation ni procès n’ont encore eu lieu.
Malgré ce contexte tendu, Kabila a lancé une série de consultations citoyennes depuis mercredi dernier. Il a rencontré tour à tour les chefs religieux, coutumiers, responsables d’établissements universitaires et hospitaliers, associations des mamans, et ce mardi, les jeunes de Goma. Son message central : rassembler les Congolais autour de la paix, de l’unité et de la reconstruction nationale.
La réaction sur les réseaux sociaux a été immédiate. De nombreux journalistes, militants et citoyens dénoncent un recul dangereux de la liberté de la presse, pourtant censée être le pilier de toute démocratie. L’un d’eux a ironisé :
« Allez demander à Washington si c’est comme ça que la démocratie fonctionne. »
Les mesures prises par le CSAC soulèvent des questions fondamentales sur le fonctionnement démocratique en RDC. Comment une institution censée appuyer la démocratie, veiller à l’impartialité des médias et garantir la liberté d’expression, peut-elle bannir l’accès médiatique d’un ancien président, encore juridiquement présumé innocent ?
A cette question s’ajoute une autre : le CSAC agit-il encore comme un arbitre neutre, ou s’est-il transformé en chargé de communication officieux du pouvoir en place ?
La Constitution congolaise garantit la liberté de la presse. Le pluralisme des idées et des opinions est un fondement essentiel de la vie démocratique. En privant une partie de l’opposition politique d’accès à la parole publique, c’est l’ensemble du débat démocratique qui en sort fragilisé.
Jusqu’à preuve du contraire, Joseph Kabila reste présumé innocent. L’interdire de parole avant toute condamnation judiciaire va à l’encontre des principes fondamentaux de l’État de droit.
Si les accusations contre lui sont fondées, la justice doit suivre son cours de manière indépendante. Mais si le procès de l’opinion publique remplace le droit, alors c’est la démocratie congolaise elle-même qui est en danger.
Clément softly
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