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Etat de siège en Ituri : quatre ans de sang, de larmes et de silence, un remède devenu poison

img-20250507-wa01297850062265844073729-1024x999 Etat de siège en Ituri : quatre ans de sang, de larmes et de silence, un remède devenu poison

Du sang versé, des larmes silencieuses, et un peuple qui attend toujours la paix. Quatre ans après l’instauration de l’état de siège en Ituri, le constat est amer : la violence perdure, la peur s’est enracinée, et l’espoir s’estompe.

Proclamée en mai 2021 par le président Félix Tshisekedi, cette mesure exceptionnelle visait à neutraliser les groupes armés et restaurer l’autorité de l’État dans les provinces en proie à l’insécurité. Mais en Ituri, le « remède » s’est progressivement mué en poison.

Les massacres se poursuivent, les populations fuient, et les institutions civiles sont réduites au silence. Quatre années de gestion militaire n’ont pas ramené la paix : elles ont plongé la province dans une militarisation confuse, parfois brutale, et souvent inefficace.

L’objectif affiché était clair : mettre fin à l’activisme des groupes armés. Mais sur le terrain, les tueries n’ont jamais cessé. Les rebelles ADF, les miliciens de la CODECO, de Zaïre, de FPIC, de Maï Maï et d’autres factions locales continuent d’endeuiller les villages de l’Ituri, en toute impunité. Les attaques sont fréquentes, souvent ciblées contre les civils, et parfois d’une brutalité indicible.

A cela s’ajoute l’insécurité persistante au Nord-Kivu, où le M23, malgré les offensives militaires, continue de gagner du terrain. Le constat est là : les groupes armés s’adaptent, se réorganisent, et défient les forces loyalistes, même renforcées.

L’Ituri compte aujourd’hui plus de trois millions de déplacés internes, selon les chiffres de l’OCHA. Derrière ce chiffre, ce sont des familles entières qui errent sans abri, sans terre, sans avenir.

L’état de siège a suspendu les autorités civiles élues. Gouverneurs, administrateurs et bourgmestres militaires ont été nommés pour gérer les affaires publiques. Mais ces officiers, souvent sans expérience de gestion administrative, se sont vite heurtés aux réalités du terrain : lenteurs, improvisations, manque de coordination.

Les assemblées provinciales, mises en veille, ont été privées de leur rôle de contrôle. La démocratie locale a été étouffée. Et dans ce silence institutionnel, des allégations de détournements, d’abus de pouvoir et d’autoritarisme ont surgi.

De nombreux acteurs de la société civile dénoncent une perte de repères, une rupture entre les gouvernants et les gouvernés, et une gouvernance à huis clos où la parole du peuple n’a plus sa place.

Sur le plan économique, l’économie de l’Ituri, déjà fragile, a subi un nouveau coup dur. Les routes sont impraticables, les marchés paralysés, l’agriculture abandonnée dans plusieurs zones à cause de l’insécurité. La vie devient plus chère, plus difficile, plus incertaine.

Les atteintes aux droits humains se sont multipliées. Des ONG locales et internationales ont documenté des cas d’arrestations arbitraires, de détentions prolongées sans jugement, de torture, et de restrictions à la liberté d’expression. Des journalistes et des militants ont été réduits au silence, parfois par intimidation, parfois par la force.

Pourtant, les autorités militaires de l’état de siège défendent un bilan partiellement positif. À en croire les responsables de l’armée, plusieurs bastions rebelles ont été démantelés, des armes saisies et des miliciens neutralisés. Certaines zones jadis contrôlées par les groupes armés seraient aujourd’hui sous contrôle des FARDC, favorisant timidement le retour de quelques déplacés.

Le gouvernement cite également l’amélioration du déploiement militaire dans des zones longtemps abandonnées, et la collaboration avec l’armée ougandaise (UPDF) dans le cadre des opérations conjointes. Des procès ont été organisés dans certaines juridictions militaires, visant à sanctionner des miliciens capturés.

Cependant, pour beaucoup d’observateurs, ces avancées sont sporadiques, souvent difficiles à vérifier, et surtout largement insuffisantes face à la réalité quotidienne des populations.

Par contre, ce qui devait être une mesure temporaire a été prolongé plus de soixante fois, sans réelle évaluation indépendante. Le gouvernement national affirme agir au nom de la sécurité, mais pour les populations de l’Ituri, la question est simple : où est la paix promise ?

Des mécontentements à Bunia, Goma, Beni, Mambasa ou encore Djugu traduisent une colère sourde. La lassitude est générale, la confiance érodée. L’état de siège, au lieu de rassurer, est devenu un symbole d’échec et de répression.

Après quatre ans de l’état de siège, l’heure n’est plus aux discours, mais aux choix courageux. La paix ne reviendra pas par les armes seules. Elle exige une approche globale : justice pour les victimes, dialogue entre communautés, retour à la gouvernance civile, et réforme profonde du secteur sécuritaire.

L’Ituri n’attend plus. Elle endure. Elle espère. Et surtout, elle réclame qu’on l’écoute. Avant que le silence ne devienne définitif.

Rédaction Victoireinfo.net

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